Le chien qui aboie la nuit.

QUESTION :

Savez-vous pour quelle raison les chiens aboient la nuit ?

ដឹង​ ទេ​ ថា​ ហេតុអ្វី ​ឆ្កែ​ ព្រុស​ ពេល ​យប់ ?

Dœng té tha hète awèye tchkaè prrou péle youp ?

SOLUTION :

Selon une très vieille légende, ce serait parce que les chiens voient les fantômes !

Je vous laisse la découvrir.

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Dans le lointain passé, un homme des champs, dont on ne connaît pas le nom, s'en allait assister dans le village voisin à une cérémonie d'invocation des fantômes de ses ancêtres décédés.

En cheminant dans les bois, il atteignit la "forêt des fantômes" où, dans de petites buttes de terre, de nombreux morts avaient été enterrés.


Alors qu'il passait devant les imposants monticules recouverts de broussailles touffues, quelqu'un l'appela :
- Bou ! Bou ! Pourriez-vous demander à ma femme de rentrer ?

Et ce quelqu'un se tenait devant lui.

Bien qu'il ressemblât à un quelconque villageois, à cause de son apparition soudaine à proximité de ce cimetière sylvestre, notre homme devina qu'il avait affaire à un fantôme (khmaoït), mais il ne s'en effraya pas et se garda de prononcer la traditionnelle formule de renvoi qui clôt la Fête des Morts : "Allez aux montagnes, aux pierres, aux arbres qui vous servent de résidences !"

Avec le plus grand calme, il demanda :
- Et votre femme, où donc est-elle ?
- Au milieu de la cérémonie où l'on fête les démons ( Arräs ), répondit son interlocuteur.

Notre homme, qui s'y rendait de ce pas, ne vit aucun inconvénient à lui rendre ce service, aussi demanda-t-il encore :
- Comment ferai-je pour m'adresser à elle ... ? (Sous-entendu, puisqu'elle est invisible.)
- Qu'à cela ne tienne, dit le fantôme (khmaoït.)

Et il lui remit une plante magique (prrâtil prrâ'hong) qui permet de voir tous les revenants sans exception, et lui indiqua le nom de son épouse.

L'homme reprit son chemin à travers la forêt. Seulement rien n'était plus pareil.

A présent, grâce à la plante magique, il voyait sortir de derrière les arbres et venir à sa rencontre une cohorte impressionnante de gens, hommes, femmes de tous âges et de toutes conditions, et aussi des « fantômes crus » (khmaoït Tchaeuw), qui avaient connu des morts violentes.

Jamais il n'aurait imaginé qu'autant de fantômes puissent ainsi hanter les bois !
 

Quoi qu'il en soit, il avançait sans trembler.

Enfin il atteignit la maison où se tenait la cérémonie en l'honneur de esprits de ses ancêtres.
 

A côté des offrandes rituelles : les trois baguettes de bambou portant chacune une feuille de bétel, les cinq bougies et les cinq baguettes d'encens, avait été déposée quantité de nourriture, viandes, fruits, confiseries, dont les fantômes étaient en train de se régaler.

Sitôt qu'il eut repéré la femme-khmaoït , l'homme l'appela par son nom et lui cria:
- Ton mari te fait dire de rentrer immédiatement parce que ton enfant n'arrête pas de pleurer.

La femme-fantôme en écarquilla la bouche de surprise.
- Comment peux-tu me voir ? dit-elle.

L'homme lui montra alors la plante magique (prrâtil prrâ'hong).
- C'est grâce à cette plante que ton mari m'a donnée !

Sitôt qu'elle vit la plante magique entre les mains de l'homme, tel un fauve, d'une souple détente, elle lui sauta dessus pour la lui arracher. 

Refusant de se laisser déposséder, l'homme résista, parant les coups, les rendant, tout en appelant avec force les assistants à la rescousse. Seulement les gens qui, eux, ne pouvaient voir les fantômes regardaient ébahis l'homme donner des coups de pied, des coups de poing dans le vide, faire des bonds désordonnés, des gestes saccadés comme s'il était possédé.

Ils se contentaient d'observer la scène sans intervenir, les uns riant, les autres haussant les épaules, les uns et les autres n'y comprenant rien, puis ils finirent par s'en aller.

L'homme continuait de se défendre furieusement mais au bout d'un moment, épuisé, haletant, il commença à donner des signes de fatigue. Le temps d'un clignement de paupière, et tout à coup - mauvais coup ? geste maladroit ? - toujours est-il qu'il ouvrit la main et la précieuse plante lui échappa... 

Il n'eut pas le temps de se baisser pour la ramasser. Un chien qui passait par là, plus vif que lui, s'en saisit et, d'un coup, d'un seul, l'avala. Puis, la plante magique engloutie, il détala.

C'est depuis ce temps-là que les chiens ont le pouvoir de voir les fantômes.

Et si vous les entendez aboyer au beau milieu d'une nuit calme, c'est parce qu'ils regardent les khmaoïts, en train de se promener dans l'ombre. 

Nombreux sont les gens qui croient aux vertus de la plante prrâtil prrâ'hong et continuent de la chercher pour acquérir, entre autres pouvoirs surnaturels, celui de voir l'invisible.

 

D’après la collection des "Légendes khmères”, publiée en 2001 par l'Institut Bouddhique" de Phnom Penh.

Adaptations françaises par Jean-Claude dit Kroussar.

Vocabulaire :

Savez-vous pour quelle raison les chiens aboient la nuit ?
ដឹង​ ទេ​ ថា​ ហេតុអ្វី ​ឆ្កែ​ ព្រុស​ ពេល ​យប់ ?

Dœng té tha hète awèye tchkaè prrou péle youp ?

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Dœng té tha hète awèye ... ? ដឹង​ ទេ​ ថា​ ហេតុអ្វី ... ? = savez-vous pourquoi ... ?

tchkaè ​ឆ្កែ​ = chien.

prrou ព្រុស​ = aboyer.

péle youp ពេល ​យប់ = la nuit.

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forêt des fantômes
ព្រៃ ខ្មោច
Prèye khmaoït

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Prèye ព្រៃ = forêt.
khmaoït ខ្មោច
= fantôme.

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Cérémonie d'invocation des fantômes. 
ដ្បិត ខ្មោច បិសាច

Debeut khmaoït bèyesat
 

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Personne décédée par accident, meurtre...
ខ្មោច តៃហោង

Khmaoït taye'haong

Nota : si cette personne n'est pas incinérée rapidement, elle devient un fantôme errant que l'on nomme khmaoït Tchaeuw ខ្មោចឆៅ, «fantômes crus», c'est à dire qu'ils sont morts avant l'âge du karma.

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Enterrement.
បញ្ចុះ សព
Bagne'tïo sâpe 

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Tombes à même la terre.
ផ្នូរ ខ្មោច
Ph'no Kh’maoït 

Nota : ce sont, généralement, des tombes pour les personnes qui suivent les rites chinois ou vietnamiens.

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Plante magique, qui permet de voir les fantômes.
ប្រទាល ប្រហោង

Prrâtil prrâ'hong

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Génies/esprits/démons.
អារក្ស

Arräs